Ils sont passionnés de musique, mais pas forcément musiciens. Indispensables au réseau musical indépendant, ils s'activent A l'ombre des scènes, pour que les décibels jaillissent.

Amis de longue date, Xavier Bataillon et Damien Regnauld se sont lancés il y a quelques années dans un projet fou : répertorier dans un livre et à l'échelle du globe les formations de la scène rock stoner. The stoner freaks anthology était né. Arrivés aujourd'hui au bout de leur démarche, les deux auteurs lancent un appel au financement sur Ulule pour donner vie à leur ouvrage.

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Kaput Brain webzine : Bonjour Damien et Xavier. Merci de vous prêter aux questions de Kaput Brain webzine. Pour commencer cet entretien, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Xavier Bataillon : J’ai 42 ans. Je connais Damien depuis le lycée. On écoute plein de trucs différents ! Mais on se rejoint sur un point : le Stoner. Moi j’écoute du métal depuis que je suis ado et j’adore les classiques que sont Led Zep, Black Sabbath et les Doors (et plein d’autres) mais j’aime aussi les Chemical Brothers, Prodigy, Die Antwort et Rone !!! 

Damien Regnauld : J'ai 41 ans, fan de musique depuis ma plus tendre enfance (élevé aux Beatles et aux Stones en particulier). Grand fan du rock des années 60-70, collectionneur de vinyles, ancien chroniqueur musical pour une radio locale, chroniqueur chez Desert-rock et écrivain à mes heures perdues !
 

KB : D’où vient votre passion pour la musique, et plus particulièrement pour le rock stoner ? Pourriez-vous décrire ce genre en quelques mots ?

XB : J’écoutais déjà du stoner sans savoir que s’en était… mais la claque c’est grâce à Damien (Rires) au Hellfest 2015 : on a passé presque tout notre temps sous la Valley ! Comme vous le comprendrez très vite en lisant les interviews du livre, le « stoner » est une étiquette… réductrice. C’est un style musical protéiforme mais aussi un style de vie, une façon d’être…  Musicalement c’est lourd, plus ou moins lent ou mid-tempo, avec du fuzz à gogo… mais tout dépend du groupe qui joue ! Les notions « anti-commerciale » « liberté » et « évasion » reviennent souvent…

DR : J'ai « découvert » la scène stoner grâce à la Valley du Hellfest 2014 et plus particulièrement un groupe, qui m'a scotché : Kadavar. Je suis resté sans voix devant leur prestation, grosse baffe ! L'année suivante, on s'est rendu au Hellfest en duo avec Xav et, pendant 3 jours, on a réellement découvert une scène ouverte, passionnée, respectueuse des goûts de chacun. Difficile de résumer en quelques mots un courant musical qui va de Monolord à Monkey3 en passant par Graveyard ou Sunn O))) mais ce qui revient le plus souvent, c'est l'ouverture d'esprit, le respect et la convivialité. Pour peu qu'on aime le gros son !

KB : Au-delà de cette passion d’auditeur, êtes-vous vous même musicien ?

XB : Non. Il y a bien une guitare, une basse et un ampli qui traine chez moi… mais il faudrait que je m’y mette sérieusement… et que les journées fassent 48h ! (Rires)

DR : Ma chère et tendre m'a offert une guitare électrique il y a quelques années et je gratte de temps en temps mais je dois reconnaître que ce livre a bouffé pas mal de mon temps libre ces derniers mois mais promis, en 2021, je m'y remets sérieusement !

KB : Vous vous êtes lancés il y a quelques années maintenant dans ce grand projet qui est The stoner freaks anthology, annuaire répertoriant les formations stoner actuelles à travers le monde. Comment vous est venue l’idée ?

XB : L’idée c’est Damien qui l’a eu ! C’est un grand malade, un fou furieux… mais comme je suis un peu fou moi aussi, il a réussi à m’embarquer là dedans ! On adore vraiment tous les deux cette scène musicale. On partageait nos découvertes entre nous et on s’est fait pas mal de concerts et de festoches et, de fil en aiguille, l’idée à germé…

DR : Ouais, je confirme, je suis un dingue ! Quand j'ai une idée en tête, difficile de me faire penser à autre chose (mon épouse ne vous dira pas le contraire!). Au départ, on voulait se faire une sorte de « playlist idéale » du genre en 200 titres. Mais au fil de nos découvertes, la playlist s'est étoffée pour arriver à près de 3000 groupes. Du coup, on s'est dit : « et si on en faisait un bouquin ? ». Et voilà le travail ! Des dingues, on vous dit !
 

Première de couverture de The stoner freaks anthology
 

KB : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à créer un tel répertoire, notamment pour le rock stoner en particulier ?

XB : C’est une scène musicale qu’on adore, qui nous fait vibrer. Les gens qui font vivre cette scène sont extraordinaires. On a pu s’en rendre compte à chaque concert, chaque festival auquel on est allé. On leur doit bien ça ! Juste retour des choses… et comme ça on participe un peu à promouvoir et faire découvrir ces groupes et cette musique !

DR : La scène stoner est l'une des plus riches et des plus passionnantes qui m'ait été donné de voir. Il vous suffit de vous rendre à un festival comme le Desertfest ou le Freak Valley : c'est un havre de paix, un endroit ou des potes se retrouvent pour communier tous ensemble et pour vénérer le dieu fuzz. Putain, vivement le retour des concerts !
 


 

KB : Comment avez-vous procédé pour repérer les groupes qui apparaitront dans The stoner freaks anthology ? Avez-vous suivi une méthode spécifique ou avez-vous découvert les groupes au hasard de vos recherches sur le web ?

DR : Youtube, Bandcamp, les sites spécialisés comme Desert-rock, More fuzz ou La planète du stoner rock (qui sont tous les 3 nos partenaires pour le projet). Et puis parfois, au hasard des navigations sur le net... On a ainsi découvert la scène sud-américaine qui regorge de pépites méconnues ou encore qu'il existait même une scène stoner en Inde, au Népal ou en Indonésie !

KB : J’imagine que le stoner, à l’instar d’autres registres du rock, a connu d’importantes avec d’autres genres. Comment avez-vous choisi la frontière entre les groupes stoner qui composeront l’anthologie et les « autres » ? Pas trop difficile de s’y retrouver parfois ?

XB : Le terme « stoner » était le plus approprié pour le titre, mais si on avait dû préciser tous les genres et sous-genres il y en aurait eu trois pages ! (Rires) On n’a pas voulu ré-écrire l’histoire de ce courant musical, juste le présenter dans sa large globalité. On ne refait pas non plus l’histoire du rock, les frontières sont parfois minces d’un style à l’autre. Chaque groupe a sa spécificité, sa petite touche perso, son groove, ses influences… Jazzy, bluzzy, heavy, fuzzy, space, electric, sludge, doom… il y en aura pour tous les goûts !

KB : Malgré l’amplitude de la scène stoner à travers le monde, pensez-vous avoir été malgré tout exhaustif ?

XB : Bien sûr que non ! Si on avait été plus précis dans les dates et le style, peut-être… mais là, la scène stoner est en perpétuel mouvement. On a cependant tenté de présenter un maximum de groupes dans notre ouvrage et c’est pour cela que ça a pris autant de temps… Nous avons recensé les principaux (j’espère) en y ajoutant un bon nombre de groupes méconnus avec leurs pépites… 

DR : Le problème avec ce genre de bouquin, c'est qu'il est difficile d'être totalement exhaustif, d'une part parce que de nouveaux groupes émergent chaque semaine, et d'autre part parce que certaines formations n'existent tout simplement pas sur le net et se contentent de jouer dans leur ville ou dans leur cave ! Mais je pense qu'on a été le plus complet possible.

KB : Rentrons maintenant dans The stoner freaks anthology. Quelles informations concrètes sur les groupes répertoriés seront à découvrir dans cette anthologie ?

DR : Le livre se divise en trois chapitres : un premier chapitre « pionniers du genre » qui regroupe une trentaine de formations qui ont inspiré le mouvement stoner (Black Sabbath, Pink Floyd, Jimi Hendrix, Hawkwind...), un deuxième chapitre, le dictionnaire en lui-même, qui, pour chaque groupe, indique l'origine, le genre et la date de formation du groupe ainsi qu'un album et un titre à écouter, le tout suivi d'une chronique pour chaque groupe agrémenté du visuel d'une pochette d'album. Enfin, une troisième et dernière partie recense d'autres groupes qui n'apparaissent pas dans le deuxième chapitre. Tout cela pour près de 800 pages et pas loin de 4kg !
 

Extrait de The stoner freaks anthology
 

KB : D’après les quelques extraits que j’ai lu, il y aura également des interviews à découvrir…

DR : Tout à fait. Durant le confinement, nous avons contacté de nombreux groupes par le biais de mails, messages privés sur les réseaux sociaux, demandes aux maisons de disques et tourneurs... Nous leur avons soumis une interview de 10 questions (chaque groupe ou artiste a eu exactement les mêmes questions) et les réponses les plus pertinentes, intéressantes, amusantes ou émouvantes se trouvent dans le livre. Vous pourrez donc découvrir 250 interviews au fil de la lecture, parmi lesquelles celles de Brant Bjork, Chad Heille (Egypt), Mario Lalli (Yawning man), Mike Scheidt (Yob), Ben Ward (Orange goblin), Nick DiSalvo (Elder), Gabriele Fiori (Black Rainbows), Peder Bergstrand (Lowrider), Jean-Paul Gaster (Clutch), Ed Mundell (Monster magnet), John Baizley (Baroness) et bien d'autres... Sans oublier celle de Nick Oliveri en préface !
 


 

KB : Concrètement, combien de groupes apparaitront dans ce grand annuaire ? Avez-vous répertorié beaucoup de formations françaises ?

DR : Plus de 3000 groupes sont recensés dans le livre et parmi eux, de nombreux groupes français car la scène stoner française, même si elle n'est pas encore au niveau des scènes internationales, possède son lot de formations très intéressantes et qui méritent qu'on s'y attarde.
 

Extrait de la longue liste des groupes de The stoner freaks anthology...
 

KB : Au-delà de cet annuaire papier, avez-vous prévu de créer un site internet qui répertorierait sur le web ces mêmes groupes ?

DR : On n'y a pas encore pensé, mais c'est une idée...

KB : Avez-vous une anecdote à nous raconter en particulier avec un groupe que vous avez contacté ?

XB : Pour ma part, ça serait l’interview de Gabriele Fiori. Il a été un des premiers à nous répondre. Et c’était un fichier audio de plus de 10 minutes. On était comme des fous quand on a écouté ça. Black Rainbows est un de mes groupes préféré et comme en plus il est à la tête d’Heavy Psych Sounds Records… on s’est dit que ça aurait un impact sur la légitimité de notre travail !

DR : Pour ma part, le grand moment de ce projet restera l'interview de Jean-Paul Gaster, batteur de Clutch, réalisée par Skype. Le gars est une légende du stoner et, même après 30 ans de carrière, reste absolument passionné par ce qu'il fait. Discuter avec lui pendant ces 20 minutes inoubliables restera gravé dans ma mémoire.
 


 

KB : The stoner freaks anthology fait l’objet actuellement d’un financement participatif sur la plateforme Ulule. Avez-vous fait ce choix dès le début de votre projet ou s’est-il imposé par la suite ?

DR : Difficile d'intéresser un éditeur « grand public » avec un livre sur le stoner, malheureusement... J'ai contacté une dizaine d'éditeurs avant de lancer le crowdfunding. Certains se sont montrés intéressés mais leur façon de voir le projet ne me plaisait pas (en gros, soit « on achète le manuscrit et on en fait ce que l'on veut », soit « ok mais vous le refaites à notre façon ») donc on a décidé de lancer le crowdfunding, seule garantie de sortir le livre comme on l'a imaginé.

KB : Hormis des contributions classiques, allant de l’obtention du livre aux goodies, Thibaud Mignon, luthier dont on aura l’occasion prochainement de parler ici, a également offert un de ses instruments pour votre projet. Comment est née cette idée ?

DR : Elle est née dans la tête de Thibaud ! Il nous a contactés cet été en nous disant : « j'adore votre projet et je veux y participer à ma manière ». Et on ne s'attendait vraiment pas à ce qu'il nous offre une guitare lap-steel ! Et on est ravis qu'elle ait été achetée et, bien entendu, Thibaud nous accompagnera pour la livrer en région parisienne à son heureux propriétaire.
 

Lap-steel offert par Thibaud Mignon à un heureux contributeur
 

KB : Comment faites-vous vivre ce financement sur les réseaux sociaux ou ailleurs sur le web ?

XB : On a commencé il y a un moment avec une page privée sur Facebook, puis j’ai créé un compte Instagram et depuis le début de la campagne, on poste aussi des news sur Ulule et dernièrement Damien a créé une page officielle publique, toujours sur Facebook. Sur chacun de ces réseaux on partage très régulièrement des extraits de notre travail, des vidéos de soutien, on répond aux questions, on partage nos écoutes et je poste régulièrement des visuels d’albums pour mettre un peu l’eau à la bouche ! Dernièrement on a commencé à partager la liste de tous les groupes interviewés que vous retrouverez dans notre « Anthology ».

KB : Après la fin du financement de The stoner freaks anthology sur Ulule, resterez-vous ouvert à une éventuel partenariat avec un éditeur ?

DR : Si le projet se concrétise, on restera ouvert à toute proposition d'éditeur, évidemment !

KB : Après le financement en ligne, où sera-t-il possible d’acheter un exemplaire de The stoner freaks anthology ?

DR : Le projet ne pourra se réaliser que si on obtient les fonds nécessaires pour le faire (pour info, l'impression d'un livre de 750 pages en couleur revient entre 37 et 39 euros par exemplaire, autant dire qu'en le vendant à 40 euros, on ne deviendra pas riche avec ce livre!) donc pour l'instant, le financement participatif est le seul moyen pour avoir son exemplaire.

KB : Un dernier mot pour conclure ?

On a besoin de vous tous ! (Rires) Si vous être friand de belles découvertes, foncez sur Ulule mais que vous puissiez ou non participer à notre campagne, partagez l’info autour de vous et sur les réseaux sociaux ! Le God of Stoner de notre couverture vous en sera éternellement reconnaissant… et nous aussi !
 


Interview réalisée par mail octobre 2020.
Baron Nichts

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